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24 novembre 2014 1 24 /11 /novembre /2014 09:06

 

Texte : Marcel DELONCA

Photographies : André ROSAT; Marcel DELONCA, Pierre MOULINÉ.

 

Notre dernière sortie a conduit la quarantaine de participants à Codalet, au pied du Canigou, à la découverte de l’abbaye millénaire de Saint-Michel-de-Cuxa.


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Monsieur Aymat CATAFAU, enseignant en histoire médiévale à l’Université de Perpignan et vice-président de l’Association Culturelle de Cuxa nous a guidés dans notre visite du monument.


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Après une brève présentation des lieux à l’extérieur des locaux, évoquant notamment l’église originelle dédiée à Saint-Germain à l’emplacement actuel d’un cèdre, proche de la route, nous pénétrons dans une salle consacrée à l’histoire de l’abbaye.


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C’est là, autour d’une grande maquette des lieux, qu’Aymat Catafau, après un bref historique, développe les diverses étapes de l’édification du sanctuaire, sous l’impulsion de trois grands abbés qui se sont succédés à sa tête : les abbés Garin, Oliba et Grégoire.


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Historique


L’abbaye de Cuxa tire son origine de l’abbaye de Saint-André d’Eixalada, située au dessus de Thuès, fondée vers 840.


À l’automne 878, une crue terrible détruisit le monastère (édifié tout près du lit de la rivière) : cet évènement contraignit les moines à se réfugier ailleurs. La communauté s’installa à Cuxa, où se trouvait la petite église dédiée à Saint Germain.


Dans les années 940, une nouvelle église dédiée à Saint Michel est construite à l’initiative du comte Seniofred, de la famille des comtes de Cerdagne-Conflent, protecteurs de l’abbaye.

Depuis cette date, l’abbaye n’a cessé de se développer et d’accroître son influence.


A partir de 956, on rebâtit donc l’édifice plus somptueusement, sur le plan d’une grande basilique, dont l’autel majeur est consacré le 30 septembre 974, sous l’abbatiat de Garin, moine venu de Cluny vers 965 et placé à la tête de cinq abbayes méridionales.


L’abbé Garin


L’oeuvre de Garin, c’est cette basilique aux arcs outrepassés, couverte en charpente, qui survit jusqu’à nos jours, une des plus grandes églises pré-romanes d’Europe.


La partie de l’abbaye construite par Garin est matérialisée, sur la maquette, par un toit rouge : les murs sont en galets roulés tirés du lit de la Têt. Sa principale caractéristique est d’avoir ses arcs outrepassés, c’est-à-dire d’une courbe dépassant le demi-cercle. Cette forme est surtout visible au niveau du transept, car les arcades de la nef ont été élargies au XVIème siècle lors de la modernisation de l’église.

 

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Les arcs outrepassés sont un héritage de l’Antiquité tardive, dont les techniques de construction perdurent à l’époque wisigothique : la civilisation arabo-musulmane s’est aussi inspirée de ces formes.

La grande église est construite avec d’énormes pierres de taille aux angles et aux piliers, souvent de remploi, et pour les murs des pierres brutes, irrégulières, non travaillées.


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L’abbé Oliba


Abbé de Cuxa et de Ripoll, Evêque de Vic, membre de la famille des comtes Cerdagne-Conflent, il est connu pour avoir imposé aux seigneurs catalans la « paix et Trêve de Dieu » de Toulouges, en l’an 1027.


Sous son abbatiat, il a profondément transformé l’abbaye, tout en respectant l’oeuvre de Garin :

✣ Il fait construire un déambulatoire autour du choeur de l’église, afin que les pèlerins puissent avoir accès aux reliques sans troubler les offices.

✣ Il édifie au-devant de l’église Saint-Michel les deux sanctuaires superposés de la Crêche (Pessebre) et de la Trinité, qui communiquent avec Saint-Michel par des galeries.

✣ Il aménage également trois absides, voûte les bas-côtés de la nef, et construit les deux clochers (de 1010 à 1040) à quatre étages, décorés d’arcatures lombardes, propres au premier art roman : le clocher nord s’est effondré en 1839, endommageant une partie du cloître.


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L’abbé Grégoire


Poursuivant l’oeuvre de ses illustres prédécesseurs, au début du 12ème siècle (1120-1140), il fait  reconstruire le cloître en lui donnant la forme d’une colonnade de marbre, avec des chapiteaux sculptés.

 

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Vers 1150 il fait aussi édifier une tribune en marbre dans l’église, préfigurant celle du Prieuré de Serrabonne.


Notre guide nous conduit ensuite à la découverte de l’abbaye.


Le monument


De la salle où est exposée la maquette, nous accédons directement au cloître par la partie méridionale :

 

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C’est lui qui a le plus souffert.

L’abbaye était encore à peu près complète au moment de la Révolution Française, lorsqu’elle fut vendue comme bien national.

Vers la fin du XIXe siècle, le cloître fut en partie démantelé, pierres et chapiteaux furent vendus à un riche collectionneur américain et sont toujours visibles au Cloisters Museum de New-York.

D’autres pierres et chapiteaux furent dispersés à Codalet et à Prades, chez des particuliers, et jusqu’à à Meung-sur-Loire : ils furent récupérés, en vue de la reconstruction partielle du cloître, de 1949 à 1955. Ces travaux furent menés, d’après des photos prises en 1890, sous l’impulsion de monsieur Pierre Ponsich, archéologue et historien perpignanais.


On peut donc admirer deux sortes de chapiteaux :

✣ Ceux de la partie la plus méridionale du cloître (les plus petits) étaient rattachés à la tribune : ils représentent des thèmes religieux et bibliques.

 

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✣ Ceux proches du portail de l’église sont caractérisés par des motifs profanes, notamment des représentations d’animaux (lions, singes, monstres et motifs végétaux).


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Nous voilà maintenant devant le portail monumental, au pied de l’escalier conduisant à la nef de la basilique : la porte actuelle de l’église est aussi un arc de la façade de l’ancienne tribune, où l’on peut voir le lion de Marc (à gauche) et le taureau de Luc (à droite) et tout le répertoire décoratif de l’art du XIIe siècle.

 

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Nous franchissons ce passage et avons alors accès à la grande nef ( 30,40 m sur 9,45m pour une hauteur de 14,40 m ) qui, à l'origine, n'était pas voûtée mais recouverte d'une charpente en bois et à l'imposant transept.

 

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Les deux travées du choeur ont été voûtées d'ogives au XIVème siècle, suite à un incendie.

La couverture de la nef est moderne, reconstituée après 1950. 

La nef est bordée d’arcades, la séparant du déambulatoire : certaines ont conservé leur arc outrepassé, pour d’autres celui-ci a été remanié pour présenter un caractère roman.

 


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L’ensemble est éclairé d’une lumière douce, propice à la méditation, mettant davantage en valeur la beauté du monument : le maître Pau Casals a autrefois joué dans cette église, on croit encore entendre les notes mélancoliques del cant dels ocells montant de son violoncelle.


Dans le choeur Aymat Catafau nous présente la grande dalle d’autel en marbre, sur laquelle sont gravés les nom des abbés et des moines (notamment Oliba) et de fidèles, désirant marquer leur souvenir. Cette pratique, courante au Moyen Ǻge, fut ensuite supplantée par la tenue de livres, renfermant les noms de personnes mémorables, pratique issue de l’abbaye de Cluny.

 

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La pierre d’autel, dispersée avec d’autres parties de l’abbaye, fut inopinément retrouvée par Pierre Ponsich, à Vinça, où elle servait de balcon à une maison ! Oliba avait surmonté l’autel édifié par Garin et consacré par sept évêques, d’un énorme baldaquin sculpté, aujourd’hui disparu.


Après avoir fait le tour du chevet, à la manière des pèlerins médiévaux, nous quittons l’église : nous découvrons une partie du monastère, enterrée jusqu’aux fouilles entreprises par Pierre Ponsich en 1952.

Ces fouilles permirent de mettre au jour une salle circulaire, dans laquelle méditaient les moines, assis sur des sièges taillés dans la pierre : à chaque angle, pour ranger les objets de culte, des sortes de petites sacristies.

 

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Le trajet jusqu’à la crypte, construite sous la nef de l’église principale, nous offre de belles vues sur le clocher et ses arcatures lombardes : nous voyons le dernier rayon de soleil illuminer la cime du Canigou, alors que la vallée et l’abbaye sont déjà plongés dans l’ombre.


Et là une pure merveille nous attend, la crypte du Pessebre (la crèche), à la voûte soutenue par un pilier unique, en forme de palmier : notre guide nous fait part de son émotion quand, âgé de quatorze ans, il a franchi son seuil pour la première fois. Il y règne une atmosphère unique, accentuée par la lumière douce dans laquelle elle est plongée.

 

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En retrait, sur un piédestal fixé à la paroi, la statue de Notre-Dame du Pessebre, en bois polychrome, semble veiller sur la crypte d’un regard immobile.

 

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Notre visite s’achève et nous quittons l’abbaye, salués par un rayon de soleil sur le sommet du Canigou.


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Le moment pour le président de remercier Aymat Catafau, soulignant la qualité et la richesse de ses commentaires. Il lui offre un coffret de vins du Roussillon au nom de l’association et nous posons tous ensemble pour la photo souvenir.

 

 

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L'Association

Culture et Patrimoine Villelonguet

vous donne rendez-vous : 


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