1ère PARTIE /4
Après 4 mois de recherches intensives, aux archives municipales et départementales, auprès de particuliers et sur le terrain ( certains d'entre-nous ont parcouru une douzaine de kilomètres du ruisseau : du mas Gaffard à la route de Torreilles ),
Le ruisseau au Mas Gaffard, sur la commune de Bompas
durant sa traversée de Villelongue
sa progression vers Torreilles.
Après des heures de travail à recouper toutes les données recueillies et à en faire une synthèse,
les 3 groupes qui ont préparé cette conférence :
➝ Mme Hélène CLOS et M. Marcel DELONCA pour la partie historique
➝ MM. Serge DONÈS, Pierre MOULINÉ et Pierre VILLANOVE pour les caractéristiques et le fonctionnement du ruisseau et du moulin
➝ MM. André ROSAT et Marcel ROUILLÉ pour la période contemporaine,
et les membres du Conseil d'Administration ont été très heureux de pouvoir présenter le résultat de leurs investigations devant 85 auditeurs attentifs et intéressés.
Les textes ( en jaune ) sont des intervenants, chacun pour sa partie.
Les photographies sont de Pierre MOULINÉ.
Les dessins et croquis sont de Serge DONÈS.
Marcel DELONCA développe la partie historique.
L'histoire du ruisseau et du moulin, véritable patrimoine de la commune, a commencé au XVIème siècle, même si elle ne s'est vraiment concrétisée que 100 ans plus tard. Elle se déroule jusqu'à la 2ème moitié du XXème siècle où elle s'achève, vers 1960, sous l'effet contraire des éléments naturels et des progrès techniques.
Tracé du ruisseau sur un assemblage de plans cadastraux
tirés du cadastre Napoléonien ( 1810)
CONTEXTE SOCIAL et ÉCONOMIQUE
sous les Rois d'Aragon puis sous l'Ancien Régime français :
1- Données démographiques :
elles sont rares [ la population est évaluée en nombre de feux (foc àfogatge) ] et restent assez imprécises.
L'économie agricole est presqu’essentiellement basée sur la
culture céréalière (voir capbreu de 1416) à exemple de 1720.
On note également la culture de la garance (la roja en
catalan) plante tinctoriale dont on extrayait la couleur rouge,
utilisée par les teixidors de Perpignan
Le public est attentif aux explications de Marcel.
HISTORIQUE
de l'AMÉNAGEMENT du RUISSEAU
et de la CONSTRUCTION du MOULIN
: XVIème-XXème siècle.
1- POURQUOI AMÉNAGER un RUISSEAU ?
● Faire fonctionner un moulin :
Le moulin est la première industrie villageoise : c'est un aspect important de la vie économique et sociale d'une communauté villageoise de cette époque.
Pour la première fois, une machine est capable de remplacer l'homme, d'alléger la pénibilité de son travail. Le moulin libère le paysan de certaines tâches et lui permet de mieux se consacrer à l'exploitation de ses terres.
Le moulin, bien que privé, était considéré et protégé comme un véritable service public.
● Un moulin "banal" :
constitue une source importante de revenus pour le Seigneur et valorise la Seigneurie.
Moulin "banal" : au sens d'obligation. Pratique née dès le Moyen-äge : on parle de "banalités" ( ruisseau, moulin, boulangerie, taverne, gabelle ). Tous les grains récoltés dans le périmètre duu "ban" ( en général la Seigneurie ) doivent être moulus au moulin "banl" du Seigneur sous peine d'amende.
● Arrosage des terres :
Terres agricoles du village ( notamment des jardins ) mais aussi des surfaces céréalières ce qui valorise les biens des villageois.
Il semble être la priorité des paysans : on sortait d'une période de grande sècheresse.
2- AUTORISATION de prendre l'eau dans la Têt
et CONFIRMATIONS :
Selon les usages de " Barcelone" ( 1197 ), et surtout à partir du XIVème siècle, l'eau, les bois et les routes appartiennent au souverain : tout individu ( même un Seigneur ) souhaitant prendre de l'eau dans un cours d'eau doit obtenir l'autorisation du Roi.
Par la charte de 1510 Ferdinand II d'Aragon autorise Jean-François d'Oms, Seigneur de Villelongue, à prendre de l'eau dans la Têt.
Cette charte présente 3 aspects avec, par ordre de citation :
➙ l'aménagement d'une taverne et d'une "fleca" ( boulangerie )
➙ la construction d'un moulin
➙ l'arrosage des terres.
Extrait de la charte de 1510, dans le fonds de la procuration royale de Majorque.
1529 : confirmation de la charte par le Procureur Royal.
1539 : L'autorisation est donnée par Joan CANTA,
Seigneur de Castell Rosselló de faire une "resclosa" sur
son territoire.
On ne trouve aucune trace du projet avant 1612.
On ne peut faire que des suppositions sur le pourquoi :
➙ besoin non partagé par les villageois ? : pas besoin
d'irrigation artificielle : on sortait d'un petit épisode
glaciaire avec de nombreux épisodes pluvieux.
➙ Population trop faible pour assurer la rentabilité du
projet ?
➙ Problème de financement ?
3- CONCRÉTISATION du PROJET en 1612 :
L'assemblée des chefs de famille de Villelongue se réunit le 29 septembre 1612. Le procès-verbal de Pau ROGER, notaire du Seigneur de Villelongue, mentionne :
" En raison de la sècheresse qui a régné ces années précédentes dans la terre du Roussillon et tout particulièrement dans ce dit lieu de Villelongue et à cause de la petitesse des graines collectées ..."
Les habitants sont très motivés par la perspective d'arroser leurs terres pour en obtenir un meilleur rendement. Même s'ils ne font pas état de la construction du moulin, ils acceptent de contribuer au financement des travaux et voltent le paiement pendant 20 ans d'une redevance annuelle de 68 livres monnaie de Perpignan, pour eux et leurs enfants.
Les fonds ( 68 x 20 ans = 1360 livres )sont empruntés à Joan DESCAMPS, noble de Perpignan.
Les moulins à eau en Roussillon ( XIVème siècle )
À noter l'absence des moulins de Torreilles e de Canet pourtant cités respectivement aux Xème et XIIème siècles.
1- Moulins royaux
2- Moulins relevant d’un établissement religieux
3- Moulins appartenant à un propriétaire laïc (seigneur ou bourgeois)
4- Moulins appartenant à un hôpital
5- Moulins appartenant à une communauté d’habitants
7 à 9 - Moulins relevant de plusieurs propriétaires.
4- le MOULIN :
Le moulin
Aucune mention du moulin n'a été trouvée sur le territoire de
Villelongue avant le XVIIème siècle.
La première mention de bail du moulin, consenti à un
meunier, Pere PONS, date de 1617.
BAIL de 1618
consenti à Francesc TRAVER :
En voici quelques clauses :
➙ Conserver le moulin et les outils mis à disposition en
l'état.
➙ Entretenir et remettre en état la "resclosa" : pour cela, le
meunier pouvait prendre du bois mais uniquement s'il
était tombé au sol.
➙ Moudre en priorité pour les habitants du village.
➙ Payer un fermage de 60 charges de blé par an ( 1 charge =
168 kg (?) à la fin du XVème siècle. )
Le cahier des charges est très favorable au Seigneur :
le fermier supporte la majorité des dépenses ( notamment la
remise en état du ruisseau )
Quelques MEUNIERS
de VILLELONGUE :
Les PROPRIÉTAIRES successifs :
Les propriétaires successifs après la Révolution nous sont
connus grâce à l'acte d'achat du ruisseau et du moulin
par la municipalité de Villelongue en 1889.
Le prince de MONTBAREY, successeur d'Emmanuel
OMS ( qui avait pris le parti de l'Espagne contre
Louis XIV ) furent saisis en 1653.
Ils furent donnés à des Seigneurs "français "
en récompense de leur fidélité.
Le ruisseau, le moulin et leur dépendances ( 3 pièces de terres
ou bois ) sont confisqués à la Révolution puis vendus
comme biens nationaux le 11 avril 1797, au prix de
40 000 francs, à Joseph CASTELLO-THOMAS
de Torreilles.
Ils sont ensuite vendus comme biens immobiliers
- le 2 juin 1808 à Pierre GIBERT puis
- Le 3 avril 1829 à Pierre-Joseph de GAFFARD
qui le léguera en 1824 à sa fille, Lucie GAFFARD,
vicomtesse GRASSET du BOUCHAGE.
Après 4 délibérations du Conseil municipal, entre le 19 août
1988 et le 20 février 1889, et l'arrêté du Préfet des PO du
20 mars 1889 autorisant l'acquisition par la commune, la
municipalité le rachète le 28 mars 1889 ( acte chez
Jean-Joseph ROLLAND, notaire à Perpignan )
Le maire était Maurice PALLURE.
Les objectifs étaient :
- Assainissement du village ( hygiène publique )
- Source de revenus pour le village ( 136 propriétaires
riverains se sont dits intéressés ).
Le prix d'achat : 14 000 francs a été financé par un emprunt
de 18 000 francs ( emprunt + frais de notaire et
hypothèque ) consenti à la commune par
M. Raphael JOUÉ, habitant de Villelongue.
REMARQUE :
Les Villelonguets ont racheté un bien qui leur appartenait
autrefois et qu'ils ont donc payé 2 fois.