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26 février 2014 3 26 /02 /février /2014 09:04

 

Les CARTES à JOUER CATALANES.

Photographies M. Pierrre MOULINÉ.

Texte Marie BERSEILLE.


Après avoir remercié l'auditoire ( environ 40 personnes ) venu assister à cette conférence, M. Marcel ROUILLÉ cède le micro à M. Marcel DELONCA qui nous présente le conférencier, M. Jean-Pierre GARRIGUE.

 

Cartes-Jou-014.jpg

 

Docteur en astrophysique et professeur de mathématiques, Jean-Pierre GARRIGUE est un généalogiste confirmé et ... un ardent supporter de l'USAP.

Mais il a aussi deux autres passions qui l'ont conduit à entreprendre des recherches sur l'histoire de la carte à jouer à Perpignan : les cartes à jouer catalanes, qu'il collectionne depuis des années, et l'histoire du pays catalan. 


Voici un petit résumé de sa conférence.

Les illustrations sont tirées du livre de Jean-Pierre GARRIGUE " La carte à jouer à Perpignan du Moye-Âge à nos jours " publié par la Société Agricole Scientifique et Littéraire des Pyrénées Orientales.

 

 

 INTRODUCTION des CARTES à JOUER

en EUROPE et en CATALOGNE.

 

Les cartes à jouer sont apparues en Europe durant la seconde moitié du XIVème siècle : elles sont arrivées du bassin oriental de la Méditerranée (empire mamelouk) dans les bateaux de marchands qui allaient de comptoir en comptoir depuis l'Orient ( Tyr...).


Elles ont alors pris 2 directions :

- l'Italie ( Venise ) pour les tarots.

- les ports catalans ( Barcelone et Collioure qui, à l'époque, était le port de Perpignan ) pour les cartes classiques latines.

 

Les cartes françaises n'apparaitront que quelques décennies plus tard.

 

 

 La mention de carte à jouer ( "naip" en catalan ) apparaît pour la première fois en 1371 dans le dictionnaire des rimes "llibre de concordances" écrit par Jaume March, ce qui laisse à penser que les cartes à jouer sont apparues en Europe quelques années auparavant, vers 1360-1365.


 

Quelques CARTIERS installés à Perpignan :


Les De BORGES :

L'existence d'un Rodrigo de Borges ( Burges, de Burgues ) en 1380, premier peintre et cartier "pintor i nahiper" perpignanais reste encore incertaine, quoique fort probable.


Par contre, celle d'un autre Rodrigo de Borges "pintor i nahiper" à la fin du XVème siècle ( 1494 ) est avérée.

 

Daniel BASSAROLA :

Cartier perpignanais de 1439 à 1482, il signe pourtant en 1440 un acte pour le moins surprenant dans lequel il promet que : " durant les deux prochaines années, il ne jouera pas ni ne fera jouer à aucune forme de jeu sous peine d'être parjure ou traître..." Étonnant pour un fabricant de cartes à jouer !!!

 

La famille CASSANYES :

Joan CASSANYES était probablement juif.

Converti en 1416-1417, il abandonne son métier traditionnel pour devenir fabricant de cartes à jouer.

 

Au XVème siècle 


À quoi ressemblaient les CARTES à JOUER ?

 

Les premières, peintes à la main par les peintres officiels de la cour, étaient de véritables œuvres d'art.


L1060278.JPGcarte de tarot italien 


Puis on copie les cartes orientales :


L1060295.JPG


Ensuite,  l'utilisation de la carte à jouer se démocratise : le dessin devient plus simple, naïf, mais reste d'inspiration  mauresque.

 

L1060286-copie-1.JPG

Carte catalane début XVème siècle

 

 

 

COMMENT les FABRIQUAIT-ON ?


Les premières cartes à jouer imprimées ont été fabriquées vers 1420-1430.


Au XVème siècle, on associait les cartiers aux métiers de la confection : gantiers, merciers, "juponerius " ( = gipponier = fabricant de pourpoints ) ...

Par exemple, sur le contrat de mariage de Joan Lehonart en 1432 à Perpignan, le marié était déclaré : cartier anciennement gipponier.

 

On peut penser que les moules en bois qui servaient alors à imprimer les étoffes étaient utilisés pour imprimer les cartes à jouer.         

 

Pourquoi en CATALOGNE ?

 

La puissance du Royaume d'Aragon en Méditerranée a permis l'arrivée des cartes à jouer aux ports de Collioure et de Barcelone, en provenance d'Orient.


De plus, Perpignan était une ville où les métiers de la confection prospéraient.


 

 Cartes-Jou-005.jpg

Un public attentif


À partir de la fin du XVème siècle, le marché de la carte à jouer catalane évolue. Perpignan perd sa prépondérance au profit de Lyon, mais aussi deToulouse et Bordeaux.


Ainsi, pendant 2 siècles ( XVIème et XVIIème ), Perpignan n'exercera plus aucune activité cartière : les marchands perpignanais ( le plus souvent des négociants en tissus ) vendront des cartes provenant de France, principalement de Lyon.

 

Au XVIIIème siècle :

 

On a retrouvé aux archives départementales des Pyrénées Orientales les registres d'un notaire de Latour de France, Jean-Pierre GIRONNE qui a exercé au début du XVIIIème siècle. Ces cahiers, concernant les années 1712 à 1728, étaient protégés par des planches de cartes à jouer.


Le registre de 1712 est protégé par des cartes au portrait de Provence, les noms de

- Julien ROSNET ( sur le valet de coeur sous la forme Julia ROSNET ),

- puis de Damien ASTIÉ ( sur le valet de trèfle ), son gendre et associé, apparaissent.

 

Il semblerait que Julien ROSNET soit venu de Lyon avec son matériel pour s'installer à Perpignan.

 

Le registre de 1727 est protégé par des cartes catalanes.

On y trouve l'insription Julien ROSNET mais aussi G.D.PP ( Généralité de Perpignan ) :


L1060296.JPGRegistre de 1727 : cartes catalanes.


 

Entre 1700 et 1727, les familles ROSNET et ASTIÉ seront les familles cartières de Perpignan.

 

Le portrait de cartes catalanes créé par Julien ROSNET, spécifique à Perpignan, est toujours en usage de nos jours.

 

 

En 1751, un arrêt du Conseil d'État du Roi, Louis XV, interdit l'installation de cartiers en Roussillon. 


 Cartes-Jou-046.jpg

Un conférencier passionnant 


Au XIXème siècle :

 

C'est une véritable dynastie cartière, les DESSORIS, qui va régner sur Perpignan. 

 

L1060303.JPG

 

Ayant peut-être succédé à Simon GUILLEM, cartier à Perpignan de 1798 à 1805, François DESSORIS s'y installe en 1805-1806 :

 

Apprenti dans une fabrique de cartes à jouer de Montpellier, il va épouser la fille du propriétaire : Marie-Antoinette BOISSONNADE. Il hérite ensuite de l'entreprise familiale qu'il va transférer à Perpignan.

 

Il décède en 1843 et son fils Joseph DESSORIS lui succéde. Il disparaît à son tour en 1845 et ce sont les femmes qui vont gérer l'entreprise jusqu'à la fin du XIXème siècle.

 

La famille DESSORIS habitait et travaillait dans l'immeuble situé actuellement au 13 rue de la Barre :


L1060310.JPG


- le RDC était réservé  la vente. 

- le 1er étage était occupé par les parents

- l'appartement des enfants était au 2ème.

- le 3ème étage servait d'atelier de fabrication des cartes.

 

L1060317.JPGQuelques cartes catalanes d'un jeu catalan-français de la maison Dessoris, vers 1860

 

Le modèle "catalan-français" a été repris par François DESSORIS qui l'a pérennisé.

Ainsi, les cartes catalanes fabriquées en France de nos jours sont toujours faites sur ce modèle : "portrait perpignanais".


D'autres cartiers sont installés à Perpignan vers la fin du XIXème siècle : en particulier la maison BROUSSE-FOLQUET.

 

L1060320.JPG

L'as de denier.


La maison PELLERIN à Épinal, connue pour ses fameuses images, va éditer un jeu de cartes catalanes ( avant 1876, date où la maison parisienne  GRIMAUD rachète PELLERIN ) particulier par son as de denier qui contient les armoiries de la ville de Perpignan :

 

L1060325.JPG

 

 

Durant les XVIIème et XVIIIème siècles,

les dos des cartes à jouer étaient blancs.

Seuls les jeux de tarots avaient des dos fantaisies ( On parle d'ailleurs de tarotage pour les motifs au dos des cartes ).


Les cartes servaient souvent de marque-page, de cartons d'invitations,  de cartes de visite.

 

À la fin du XIXéme siècle, elles serviront de support publicitaire :

- en Angleterre pour le tabac

- en Espagne pour le chocolat

- en France, pour le papier à cigarette BARDOU fabriqué à Perpignan.

 

 

ÉVOLUTION de la CARTE à JOUER CATALANE :

 

Le modèle des portraits est celui d'un cartier barcelonais du XVIIème siècle, ROTXOTXO. Quelques modifications y ont été apportées selon les époques et les cartiers.


Ainsi, le valet de denier du XVIIème a vu le cor qu'il tient dans sa main remplacé par une corne. Mais les caractéristiques restent les mêmes.


On parle alors de "portrait catalan-français".

 

L1060332.JPG

Valet de denier du cartier barcelonnais ROTXOTXO ( XVIIème siècle )

 

L1060330.JPG

Valet de denier DESSORIS ( 1825 )

 

L1060336.JPG

Valet de denier BROUSSE-FOLQUET ( 1881-1885 )

 

L1060331.JPG

Valet de denier GRIMAUD ( fin XIXème siècle )


 

À QUOI JOUAIT-ON ?

 

Les principaux jeux  :

Le TRUC, le FLOR et le CANARI.


Jeu de cartes emblématique du Roussillon, le TRUC est mentionné sur un document en 1686.


En 1765, un procès est intenté à un cafetier de Prades parce qu'il autorisait ses clients ( condamnés eux-aussi ) à jouer au TRUC et au FLOR


DE NOS JOURS :

Plusieurs jeux sont encore pratiqués dans notre région, même si cela reste confidentiel : Truc, Flor mais aussi Set i mitg ou Canari.


 

En CONCLUSION :

Certains jeux catalans spécifiques ( truc, flor ) sont arrivés jusqu'à nos jours. Malheureusement ils se perdent.


Va-t-on oublier le rôle important de Perpignan dans l'histoire de la carte à jouer ?

 


Après les remerciements de l'Association à M. Jean-Pierre GARRiGUE

 

Cartes-Jou-058.jpg

 

vient l'heure du Rivesaltes ambré et des petites discussions entre amis...

 

Cartes-Jou-064.jpg

 

 

L'Association

Culture et Patrimoine Villelonguet

vous donne rendez-vous

le samedi 05 avril

pour une visite guidée

du site archéologique de RUSCINO

                    ( l'après-midi ).                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           


 


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