Texte André ROSAT
Photographies Pierre MOULINÉ et André ROSAT
54 personnes attentives aux explications du guide.
Ruscino, actuellement pour l’essentiel propriété municipale, constitue un site exceptionnel, lieu pionnier de l’archéologie néolithique dont les premières fouilles remontent au milieu du XVIII° siècle et se poursuivent encore de nos jours.
Plan de RUSCINO.
C’est en 1908 que sera découvert le Forum Romain situé à l’ouest du site. Les fouilles se succédèrent et firent apparaître une ville romaine, capitale antique du Roussillon avec son forum, son quartier d’habitations, ses thermes, sa nécropole et ses voies d’accès.
Il faudra toutefois attendre le tout début du XXI° siècle avec les travaux de Rémy Marichal, poursuivis par son épouse, utilisant les technologies de pointe de l’Archéologie scientifique pour obtenir une datation assez précise des différentes « sédimentations » du site.
C’est également ce couple d’archéologues qui lança l’idée d’un Musée archéologique dont la construction, bien qu’achevée pour l’essentiel, voit son accès être malheureusement fermé au public faute de moyens.
Le forum avec, à l'arrière-plan, le musée et le belvédère.
La plus ancienne occupation humaine à Ruscino remonte donc au néolithique.
Le premier habitat sédentaire apparait au VII° siècle avant notre ère. Dès 575 avant J-C , le développement du commerce côtier favorise les importations de céramiques étrusques et grecques. Ces derniers amèneront également dans cette région le vin et l’huile et par conséquent la vigne et l’olivier.
Plus tard, l’extension de la civilisation ibère introduit une nouvelle culture avec d’importantes avancées techniques, faisant de Ruscino un carrefour commercial important, qui devint la capitale des Sordes.
Au II° siècle avant notre ère, l’influence latine se répand et la Via Domitia relie l’Italie à Ruscino qui deviendra Oppidum Latinorum . Sous le règne d’Auguste ( =Octave ), la construction d’un Forum marque l’apogée de la cité romaine qui adopte un mode de vie et une législation largement inspirée par Rome.
Cette période se prolongera jusqu’à la fin du I° siècle après J-C . Après le suicide de Néron, son successeur Vespasien fera détruire Ruscino dont la majeure partie des citoyens rejoindra la cité romaine la plus proche, à savoir Narbo Martius (Narbonne). Certains riches propriétaires romains fonderont, aux alentours , des établissements agricoles (Pia, Bompas, Claira, Ponteilla, Theza, Alenya, Perpinya, etc…).
De Ruscino, il ne restera plus alors qu’un simple relai de poste sur la Via Domitia.
Les explications du guide sur le belvédère...
... d'où on admire le panorama sur toute la plaine.
Notre visite guidée du site de Ruscino a commencé par la plateforme supérieure du Centre Archéologique qui , point culminant des lieux, permet de visualiser et de comprendre aisément l’emplacement stratégique du site en terme de communication entre le Malpas et l’Espagne. Son positionnement au sommet d’une terrasse supérieure, rongée par les divagations du cours de la Têt finira par détacher la partie ouest du plateau principal, créant ainsi un site défensif naturel.
Villelongue depuis le belvédère ...
... et d'un peu plus près.
La visite se poursuit par la découverte d’une habitation, reconstitution fidèle d’une maison du I° âge du fer, constituée d’une armature de 28 pieux en bois verticaux reliés par des bottes de roseaux ligaturés, formant une paroi compacte de 30 cm d’épaisseur.
Au centre, 4 poteaux porteurs, calés dans le sol par de gros galets et un remplissage d’argile et de cailloutis.
La charpente repose sur des fermes et une ossature de perches de bois. La couverture est constituée de bottes de sanils ligaturés et superposés couvrant l’ossature.
Enfin une dernière rangée de chaume de sanils compressée assure l’étanchéité.
Une habitation reconstituée.
Pendant que la moitié du groupe écoute attentivement le guide...
... l'autre moitié se promène aux alentours ou se repose :
A l’intérieur de la maison, l’espace central semble dévolu aux activités quotidiennes : il comprend plusieurs foyers, un réserve d’argile et de jarres de stockage ( vin, huile ) .
Deux jarres : vin et huile.
On ignore la fonction de l’abside sud.
Par contre l’abside nord paraît réservée à l’intimité familiale avec deux banquettes successives, une litière d’algues sèches sous laquelle fut découvert le squelette d’un très jeune enfant, rituellement inhumé dans un linceul avec quelques bijoux, inhumation sans équivalent dans le sud de la France.
Un lit de bébé.
On y retrouve également un four pouvant servir au chauffage, à la cuisson des métaux mais aussi au fumage et au séchage des viandes d’élevage et de chasse ainsi qu’a celui des poissons qui étaient stockés à l’étage avec les céréales.
Le four.
Au sol, sont retrouvés des objets du quotidien, céramiques modelées, vases à boire grecs, perles de verre, meules, outils divers, métier à tisser, fusaïoles, etc… L’étude de ces céramiques a permis la datation de cette habitation occupée entre 600 et 575 ans avant J-C
Un foyer et ...
... des Céramiques.
La visite se poursuit par les vestiges d’un quartier assez résidentiel d’habitations romaines dont ne subsistent actuellement que les fondations en galets. L’architecture de ces maisons est tout à fait comparable à celle des demeures de Pompéi, avec en particulier leurs murs en briques crues et la présence d’égouts.
Au niveau de l’actuel Mas Ramon devait se trouver les thermes et sur le flanc est de la colline, un théâtre romain.
En route pour le forum.
Après avoir traversé la route de Cabestany à Château Roussillon, nous accédons au Forum romain. Du haut de la falaise limitant à l’ouest ce plateau principal, nous pouvons admirer la totalité de la plaine du Roussillon ainsi qu’un survol de Bondrées apivores pour lesquelles Ruscino constitue un lieu de passage pour longer la côte.
Un vol de bondrées apivores en pleine migration.
S’en suivit la visite proprement dite du Forum romain de Ruscino qui demeure le plus ancien monument édilitaire du midi de la France. C’était en quelque sorte le siège de la vie politique et marchande de la cité, symbole de la puissance de Rome.
Le plan du forum et ...
... sa reconstitution.
Bâti sous Auguste, ne subsistent actuellement de ces bâtiments que les fondations de galets construites en une seule fois.
Ce Forum était constitué d’une galerie à portique encadrant une cour à ciel ouvert (aréa) occupée par deux socles de statues équestres.
Cette galerie était bordée à l’est par une série de boutiques (tabernae) au milieu desquelles se trouvait la porte principale.
A l’ouest, une Basilique civile à trois nefs, largement ouverte sur l’aréa et prolongée au nord par la Curie ou se réunissaient les décurions en responsabilité des affaires de la cité.
Les fondations du forum.
35 stèles de pierres gravées sur lesquelles figurent des inscriptions à la gloire des empereurs augustiniens d’Octave à Néron ont été retrouvées derrière la Curie, vandalisées lors de la destruction du Forum antique par Vespasien.
Après quelques hectomètres parcourus à pied, nous avons quitté le plateau principal pour nous rendre au plateau de la Tour au nord de l’Oppidum de Ruscino, là où s’implanta un hameau médiéval après l’occupation Wisigothe ( 462 à 720 après J-C ) puis arabe qui ne laisse que peu de traces aujourd’hui.
A cet endroit, se trouvait la résidence des Comtes du Roussillon. Les premières mentions du Château Comtal qui fut construit sur les vestiges d’une ville antique, remontent au début du X° siècle.
Nous avons donc visité tout d’abord l’Eglise Sainte Marie de Château Roussillon, église romane édifiée au XI° siècle qui se compose de deux nefs dont la seconde au nord apparaît plus étroite, chacune possédant sa propre abside. Les voûtes, les élévations de l’abside et de la nef sud sont construites en grès rose d’Espira de l’Agly.
L'église Sainte Marie...
... son clôcher ...
... l'abside Sud et...
... la voûte peinte.
Notre visite s’achève sur l’esplanade panoramique de la Tour de Château Roussillon au-dessus de la Chapelle Comtale. Cette ancienne tour à signaux de l’enceinte du Château mesure 20 mètres de hauteur et domine la plaine, de la Méditerranée à la chaîne des Corbières. Construite en galets de rivière au XIII° siècle, elle permettait de communiquer par feux avec d’autres tours éloignées.
Quelques explications ...
... sur l'esplanade panoramique.
Une légende médiévale raconte qu’un Comte de Roussillon, ayant appris que son épouse le trompait avec Guilhem de Cabestany,( poète , artiste et ménestrel ), invita ce dernier à une chasse, le fit tuer, et lui ouvrit la poitrine pour en extraire le cœur. De retour au château le Comte fit bien cuisiner le cœur de son rival qu’il servit au repas à son épouse. Apprenant qu’elle venait de manger le cœur de son amant, elle déclara dignement que jamais elle n’avait dégusté un met aussi délicieux puis alla se jeter du haut de la grande Tour !
La tour à signaux de Château-Roussillon ...
... avec l'esplanade à sa base.
C’est par cette légende que se termine cette très belle visite du site de Ruscino par cette après-midi un peu ventée mais bien ensoleillée.
Les cinquante visiteurs ont réservé des applaudissements nourris à notre sympathique Guide passionné et passionnant.
Et on regagne les voitures, direction Villelongue.
L'Association
CULTURE et PATRIMOINE VILLELONGUET
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